Il y a un Saint Nicolas pour les petits enfants, et il y a un Saint Nicolas pour les petits fabricants et créateurs de jouets français. Il y a trois ans, devant l’étiolement de l’industrie française du jouet, sévèrement menacée de disparaitre, Serge Jacquemier, directeur général de Vulli, et Alain Ingberg, ancien directeur général de Meccano, fondent une association de défense du secteur. Il existe déjà une Fédération française des industries Jouet-Puériculture (FJP), créée pour représenter les entreprises du jouet et défendre leurs intérêts ; mais les intérêts des artisans, des TPME ou des PME ne pèsent pas lourd face à ceux de géants comme Légo qui fait 10% du jouet à lui seul et plus de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, ou Mattel, Playmobil, Ravensburger, membres du comité directeur de la Fédération. » Comment des multinationales peuvent-elles comprendre les problèmes industriels qu’ils rencontrent et les aider à les résoudre ? fait remarquer Alain Ingberg. Il leur faut des représentants qui comprennent que le coût des matières premières et du travail augmentent, et qu’il leur faut produire tout au long de l’année alors que les ventes se font surtout en fin d’année « . Lorsque l’Association des Créateurs et des Fabricants de Jouets Français (ACFJF) est créée en 2014, elle ne comprend que Meccano, Vulli, Jeujura, Smoby, Joustra, et Sentosphère. Elle regroupe aujourd’hui une trentaine de fabricants, et neuf créateurs qui ne fabriquent pas en France, mais y ont leurs bureaux et y paient leurs impôts. En 2017, ces 1500 emplois environ, – plus d’un tiers qu’en 2014 – ont conçu ou fabriqué presque 10% des jouets vendus en France, contre 7% il y a trois ans : l’objectif que s’était fixé l’association à sa création est pour ainsi dire atteint. Comment le jouet français a-t-il résisté à un marché toujours aussi concurrentiel ? « D’abord en se fédérant, précisément, explique Alain Ingberg, pour partager les connaissances, les forces, pour s’entraider. Si l’un des fabricants manque de cartons par exemple, un autre va le dépanner. Par ailleurs nos membres se réunissent souvent pour communiquer, parler de leurs problèmes et trouver ensemble des solutions, pour réduire leurs coûts et innover, et ils trouvent des idées, sans avoir à créer un laboratoire et payer des millions pour cela. » Les petits fabricants français se sont engagés dans une démarche de développement durable, en produisant en France. Grâce à l’automatisation des usines, comme chez Smoby, Ecoiffier ou Falquet, on arrive à serrer les coûts, tout en utilisant des matériaux de qualité, et en soignant la finition des produits. Les ateliers qui confectionnent des jouets de luxe se portent bien, comme celui de Mailou-Tradition, à Châteaubourg, en Bretagne ; l’entreprise a reçu cette année le Label EPV qui récompense la fabrication française d’excellence. « Les savoir-faire sont encore là, assure Alain Ingberg, il faut les utiliser, on peut ouvrir d’autres ateliers ». Et puis, il faut sans cesse innover. « 40 à 50% de la production doit changer chaque année pour plaire. Les domaines dans lesquels on se montre les plus innovants, ce sont les jeux traditionnels, les jeux de société qui favorisent les relations familiales. On ne fait pas de jouets technologiques, regrette Alain Ingberg. Les jouets high-tech sont fabriqués en Chine. Mais on peut imaginer les fabriquer en France, aux gouvernants de nous donner les moyens de le faire.» A l’approche des fêtes de Noël, le jouet français peut compter sur le soutien de La Grande Récré – son magasin de Beaugrenelle à Paris avait été le premier à promouvoir le jouet « made in France » -, Nature & Découvertes, King Jouet, JouéClub ou Oxybul, et depuis peu Auchan, ou Système U. La montée en puissance du commerce en ligne lui est favorable ; soutien inattendu, Amazon a décidé de valoriser sur son site le jouet français et européen. Pour assurer sa promotion à l’international, le jouet français sera, pour la deuxième année consécutive, dignement représenté au salon de Nuremberg, la Spielwarenmesse, qui aura lieu du 31 janvier au 4 février 2018. Cette année encore Business France (l’opérateur public au service de l’internationalisation de l’économie française) a organisé un pavillon français. Le stand sera à l’entrée du salon, et sur la bannière on ne lira plus « Il est encore possible de créer et de fabriquer des jouets en France », mais « On fabrique en France », simplement. « Ce n’est pas tellement la qualité qui nous distingue de nos voisins, explique Alain Ingberg. Nous sommes soumis aux mêmes directives européennes, nous tous faisons des produits de qualité, mais chaque jouet français ouvre un univers particulier, et ceux créés ou fabriqués par nos voisins européens en ouvrent d’autres…Il faut encourager le régionalisme, la diversité européenne, et surtout inviter les parents à faire rêver les enfants et à les éduquer en les couvrant de beaux cadeaux ! ». Paola de Rohan-Csermak Site web: http://acfjf.fr/