Mélina est handicapée par une myopathie. Jeune, dynamique, curieuse, elle voyage aussi souvent qu’elle le peut, en fauteuil. Au printemps dernier, par exemple, elle est allée en Crète, après avoir soigneusement préparé son séjour : accès aux hôtels et aux restaurants, aux bateaux, aux plages, rien n’a été laissé au hasard, forcément. Elle y est. Les hôtels, les restaurants sont aux normes, comme décrit. En revanche, les promenades réservent de désagréables surprises. Oui, le bateau est bien accessible aux handicapés, mais une fois à destination, impossible de débarquer en fauteuil : il n’y pas de ponton adapté. Quant à l’unique handi-plage de Crète… elle ne sera opérationnelle qu’en juin. Rien de grave, Mélina n’est pas seule, son frère et son père l’accompagnent. C’est juste un peu contrariant d’avoir passé des heures de recherche sur les forums et dans les guides de voyage à glaner de fausses informations. A leur retour, Mélina et son frère Emmanuel se rapprochent de l’Association des Paralysés de France (APF) et de l’Association pour Adultes et Jeunes Handicapés (APAJH). Les handi-voyageurs sont-ils donc si peu nombreux qu’on n’ait conçu aucun guide fiable pour eux ? On recense 36.000.000 de personnes à mobilité réduite en Europe, capables financièrement et physiquement de voyager ; mais 80% de ces personnes ne voyagent pas, car elles ne disposent pas d’informations fiables leur permettant de se projeter. Pour elles, tout devient très compliqué quand les informations recueillies dans les guides ou les forums sont incomplètes ou erronées. Mélina et Emmanuel réunissent un échantillon de près de 200 personnes et leur pose la question : voyageraient-elles davantage s’il existait un guide de voyage conçu par une personne en situation de handicap, auquel ne collaboreraient que des handi-voyageurs ? 98,8% des personnes interrogées ont répondu par l’affirmative, et 84% se sont dites prêtes à collaborer à ce guide. Le site Handiplanet est créé dans la foulée, auquel sont invités à collaborer les handi-voyageurs de leur entourage et de leur réseau Facebook. Très vite plusieurs villes de France, et une vingtaine de villes d’Europe et d’ailleurs sont répertoriées, hôtels, restaurants, et autres lieux touristiques dits « accessibles aux handicapés » font l’objet de comptes rendus très clairs, pensés pour les différents types et degrés de handicap référencés sur le site. Le site reçoit le soutien enthousiaste de Philippe Pozzo di Borgo immortalisé par le film Intouchables. Grâce à une campagne de financement participatif menée sur Ulule à l’automne, un nouveau site sera opérationnel en janvier 2018, plus proche de celui que souhaitent Mélina et Emmanuel: un site international, en anglais et en français, aux vidéos sous-titrées pour les malentendants, aux informations pointues régulièrement mises à jour, toujours gratuit. « Tout coûte déjà si cher pour les handicapés ! » fait remarquer Emmanuel. Le site ne sera pas seulement conçu pour ceux qui ont l’habitude de voyager, il veut aussi favoriser la mobilité des 28.800.000 Européens en situation de handicap, qui ne voyagent pas ou très peu, alors qu’ils le pourraient. Partager son expérience au bout du monde, ou au café du coin, c’est bien préparer la route pour les autres. « Plus les utilisateurs partagent leur expérience, explique Emmanuel, plus ils deviennent experts de l’accessibilité et ils sont mis en valeur au sein de la communauté » : d’utilisateurs ils monteront au grade d’ « ambassadeurs », et pourront pleinement contribuer à la vie du site, comme ses fondateurs. Enfin, Handiplanet mettra en réseau les globe-rollers francophones et anglophones, pour qu’ils puissent échanger leurs expériences, les commenter, et préparer ensemble de nouveaux voyages, sans fausse note. Emmanuel Kouratoras et Paola de Rohan-Csermak Site web: www.handiplanet.com